L’art qui dialogue avec l’environnement
Le texte d’Eva Prouteau, critique d’art
Adepte des jeux de regard, Anabelle Hulaut s’intéresse aux situations ambiguës, aux changements optiques, aux échelles de perception élastiques. Les oeuvres de l’artiste invitent chaque visiteur à endosser le rôle d’un détective : l’enjeu de l’enquête serait d’accéder à une vision élargie, induite par des points de vue panoramiques ou des impressions rapprochées, entre zoom et cadrage, qui font apparaître la magie énigmatique de certains fragments du monde alentour.
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Gilles Aillaud
Important
Marika Prévosto
À
sandie hatem
jul 1 à 2h10 PM
Gilles Aillaud, Le silence sans heurt du présent
En coproduction avec les Musées des beaux-
.
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Exposition du 10 décembre 2016 au 05 mars 2017.
Fondation Maeght, 623 chemin des Gardettes – 06570 Saint-
Exposition du 10 décembre 2016 au 30 mars 2017.
Espace de l’Art Concret, château de Mouans – 06370 Mouans-
À l’Espace de l’Art Concret, mettant en jeu le concept d’art total dans C’est à vous de voir..., , Pascal Pineau investit les espaces du Château pour en retrouver la fonction originelle, interrogeant la valeur d’usage des œuvres. Expérimentant les limites du décoratif et de l’ornemental, il ouvre un dialogue entre pièces issues de l’artisanat, du design, objets de brocante et œuvres d’art ‘proprement dites’. Ainsi, les salles d’exposition se transforment en une succession d’espaces domestiques fictifs. Cuisine, bureau, salon, chambre d’enfant, suite parentale… chaque pièce peut se percevoir comme un portrait en creux de l’artiste qui pose un regard introspectif sur une trentaine d’années de pratique artistique.
Sur l’invitation de Pascal Pinaud, Alexandre Curtet, fondateur de Loft interior designers, a été sollicité pour concevoir l’aménagement intérieur de ces espaces en dialogue avec ses œuvres, mais aussi celles d’artistes avec lesquels ce dernier partage des affinités esthétiques, comme Noël Dolla, Mathieu Mercier, Natacha Lesueur, Philippe Ramette…
Au commencement, une apparition
C’est une vision qui est à la genèse de l’exposition d’Anabelle Hulaut au centre d’art de Thouars : postée en haut des remparts près du Château de la ville, l’artiste découvre le paysage, entre végétation luxuriante et rivière aux courbes douces. Ce panorama plongeant comme un vertige concentre son regard sur la mosaïque des toits de Thouars, des toits pour certains dotés de chapeaux de cheminées, chapeaux de vent ou rotators éoliens, ou extracteurs de fumée en inox. Leur mouvement aimante la vue, frappée par l’éclat étincelant de la lumière qu’ils reflètent. Anabelle Hulaut fera de cette apparition le ferment de son projet à la Chapelle Jeanne d’Arc, qui est ponctué de cet objet spiralé aux allures de girouette disco : « Ce sont comme des boules à lamelles magiques. Ce qui me plaît, c’est leur grande capacité à nous éblouir. Un concentré d’éblouissement. »
Qui est Sam Moore ?
Créé par l’artiste en 2013, Sam Moore est un personnage qui s’exprime de multiples façons : ses sculptures, photographies, explorations sonores et textes poétiques se dispersent au gré du vent, dans les centres d’art ou sur les réseaux sociaux. Son appétit de vivre et de penser le monde qui l’entoure semble insatiable : la mobilité, la fragmentation et l’enthousiasme le caractérisent. C’est par le prisme de son regard insolite que le visiteur découvre les oeuvres d’Anabelle Hulaut. Il est aussi l’auteur du titre de l’exposition, I don’t want a planet pizza without relief*, une injonction étonnante qui lui a même inspiré un poème :
* Je ne veux pas d’une planète pizza sans relief
i want flowers qui me sautent au cou
je veux des fleurs qui me hantent
je veux des fleurs qui m’éblouissent
je veux des artichauts aux poppies, des candies sous les choux
de la pimprenelle, de la sarriette et des pissenlits
les trèfles à 3 aux dessous violet me chargent d’azote
je me sens polyglotte
Extrait Les pensées de Sam Moore, Rêvolution -
Jardin psychédélique
Comme il le décrit dans ce poème, Sam Moore fait le voeu d’une nature agitée et galvanisante : l’exposition d’Anabelle Hulaut répond pleinement à ce désir, et s’assimile à un paysage constellé d’objets (aux allures naturelles ou architecturales, ornementales ou sculpturales) qui par leur disposition et leur succession, assurent l’articulation des points de vue et ponctuent des circuits de promenade, des circuits de pensée. Cet univers n’est pas très éloigné des premières fabriques qui apparaissent dans les jardins anglais au début du XVIIIe siècle et se répandent avec la mode des jardins paysagers : des espaces de délices qu’animent la surprise et l’échappée vers l’imaginaire. Ce jardin fantasmatique et dérivant s’anime par endroits par la rotation d’extracteurs motorisés, parés des couleurs de l’arc-
Extrait Paysage agité in situ, Anabelle Hulaut, Résidence in La Chapelle Jeanne d’Arc, Centre d’art Thouars, janvier 2021
Extrait Paysage agité in situ II. Anabelle Hulaut, Résidence La Chapelle Jeanne d’Arc, Centre d’art Thouars, janvier 2021
Visite guidée
Ces jeux de regard sont mis en exergue par l’artiste au seuil même de son exposition : une palissade ouvre le parcours, en même temps qu’elle en occulte l’accès. Surface de bois brut, dotées de jambes de force pour stabiliser l’ensemble, cette palissade est constellée de motifs d’yeux, placés à plusieurs hauteurs pour plusieurs tailles de corps : à travers ces ouvertures-
Au dos de cette palissade, Anabelle Hulaut revisite un exercice qui lui est cher : l’alliance de ses recherches artistiques et de la production de différentes formes d’observations scientifiques, des cartes, des relevés, des inventaires photographiques. Par ces jeux d’assemblages et d’imbrications, elle témoigne de ses visions thouarsaises, dans un journal intime qui mêle l’écrit et l’image, le dessin et la peinture, tous ces matériaux qui constituent l’humus de son processus de création.
Dans une liste à la Pérec2, elle énumère : « Exemple d’éléments que l’on pourrait retrouver : la station essence Champignon, le viaduc Eiffel, les panneaux solaires TIPER, l’apéritif Duhomard, les extracteurs, les meringues, les ammonites, la pierre grise, le tronc d’arbre de Stéphane Vigny au Parc Imbert, la cabane de vigne, les tournesols, les pieds bleus, l’enseigne du bureau de tabac dans la rue St Medard, une paire de binocle pour Saint Jérôme dans son oratoire (tableau au musée H. Barré), un lampadaire de la rue St Médard en forme de fontaine… « Ainsi va Anabelle Hulaut, qui semble « tout autant aux prises avec une géographie physique qu’avec une cartographie psychique.» (Thierry Davila3)
Tourisme des cîmes
Pour l’artiste, le paysage est multiple et changeant, déployé ou fragmentaire et ne présente jamais une réalité univoque. L’élévation et la quête du vertige, sur le toit du monde, suggère un accès possible à cette réalité mouvante : à l’autre extrémité de l’exposition, au fond du choeur de la chapelle, Anabelle Hulaut rejoue la question du regard en marche et de l’exploration des hauteurs avec son installation La Montagne qui cache l’escalier.
En invitant le visiteur à cette petite grimpette, l’artiste cherche à faire de lui un complice plutôt qu’un simple regardeur : elle s’inscrit aussi par ce geste dans la grande famille des artistes marcheurs, qui ont considéré la flânerie comme un art de la vision subjective, et une protestation contre la nécessité d’être productifs dans l’espace public : dans le sillage de Baudelaire ou des Situationnistes4, Anabelle Hulaut prône par l’arpentage une philosophie du dépaysement, une poésie de la dérive et de la désorientation.
Agiter le paysage
Publié en 1952, le roman de René Daumal5 intitulé Le Mont analogue fait le pari qu’il existerait un centre originel du monde, un mont sacré qui ouvrirait une possibilité de communication avec l’au-
L’auteur réunit alors une expédition pour découvrir ce Mont Analogue resté jusqu’alors inaccessible au commun des mortels, et fait la narration trépidante de cette escalade en forme de quête spirituelle. L’exposition d’Anabelle Hulaut a des airs de récit de voyage similaire : entre palissade et montagne, des archipels se déploient, petits îlots mobiles montés sur roulettes, familles de champignons regroupées en bouquets ou tas de matières premières, manufacturées ou naturelles. On y distingue par exemple des samares d’érables, ces graines qu’à l’automne, les enfants adorent jeter en l’air puis regarder tomber telles des hélicoptères. Leur trajectoire très particulière, tourbillonnante, qui en fait un cas à part au sein du groupe des graines auto-
Par ailleurs, Anabelle Hulaut glisse dans cette topographie joyeuse et éclectique un ensemble photographique et la projection d’un diaporama des Paysages agités de Sam Moore. Ces derniers expérimentent mille aventures combinatoires et aléatoires, imaginées à partir des menus trésors que l’artiste n’a de cesse de glaner autour d’elle. Chacun puise sa matière dans le réel des choses mises au rebut ou peu considérées, et chacun invite à s’émerveiller de l’ordinaire, du bricolage, des miracles de l’assemblage et de la rencontre. Ces Paysages agités, dont l’échelle paraît flexible, portent en eux la notion d’inquiétante étrangeté, où le vivant et l’inanimé échangent leur place, quand le banal et l’inconnu marchent main dans la main. Ils consacrent un usage très original de la couleur : brillante, variée, assumée, foisonnante, elle apparaît sous forme de surfaces franches et structure les plans, peuplés d’objets hybrides entre peinture et sculpture, bidimensionnalité et tridimensionnalité.
Poèmes cascadeurs
Pour accompagner ces petits mondes, quelques Pensées de Sam Moore défilent sur un écran : des textes assez courts, slogans poétiques qui tranchent sur des fonds colorés comme des Post-
Notes
1 -
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4 -
5 -
© Anabelle Hulaut, vue de l'exposition à Thouars I don't want a planet pizza without relief*, 2022
Exposition du 26 mars au 29 mai 2022. Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, rue du jeu de Paume -
© ArtCatalyse / Marika Prévosto 2007 -